Le soleil se levait à peine. Sous un saule, une silhouette vêtue d’un long manteau l’observait. La capuche sur la tête, l’ombre portait un semblant de masque. Seul ses yeux étaient visibles. Les lumières de l’aube donnaient sur les feuillages des arbres. Le silence régnait en maître. Parmi le chatoiement des couleurs, une seule tache jurait telle une insulte à cette vision fantasmatique.
La cape était ample, la forme imprécise. Une homme ? Une femme ? Un elfe ? Peut-être une démonelle. Rien ne permettait de le deviner. On ne voyait que les yeux. De grands yeux. Un regard captivant. Il était facile de s’y perdre. Ses iris dorées hantaient les rêves de tous ceux qui les avaient un jour croisés. Une mèche de cheveux aussi flamboyants que l’astre sur les arbres barraient l’un de ces deux joyaux. La peau autour de ces yeux étaient livide. D’un blanc diaphane.
-Quelle magnifique journée…
La voix murmurante avant déchiré le silence avec un accent sépulcral. Si douce qu’elle fut, elle était froide. Glaciale. Impitoyable et tranchante.
-Comme tu dis, étranger. Mais tu n’as pas payé le droit de regarder ce ciel.
L’homme et ses quatre compères sortirent des bois et se positionnèrent en arc de cercle derrière la silhouette. Elle leur répondit avec le même ton qu’elle venait d’employer.
-Combien ?
– Ah ! Enfin une personne raisonnable ! Six pièces d’acier pour chacun d’entre nous.
-Vous vies valent beaucoup moins.
-Pardon ?!
-A peine deux pièces de cuivre pour votre pitoyable troupe.
Avant même que l’homme ai pu répliquer, ou même ouvrir la bouche, un claquement plus violent que l’orage retentit. Une balafre nette barrait le visage du bandit, et déjà le sang s’en écoulait. La silhouette s’était retournée. La capuche était tombé. De longs cheveux auburn flottaient dans l’air frais du matin, les yeux dorés brillaient d’un halo jaune pâle troublant, intimidant.
Un fouet en cuir blanc était apparut dans une main gantée d’un rouge grenat éclatant.
-Je me suis trompée. C’est vrai, vos vies valent beaucoup moins encore…
-Tuez cette catin !
-…elles ne valent déjà plus rien.
* * *
Le soleil se couchait. La journée avait été chaude. Une ombre se tenait là où une autre avait été. Mais elle n’observait pas le crépuscule descendre. Elle contemplait avec un sombre sourire ce qui restait des brigands. Depuis qu’elle marchait dans les pas de l’autre fantôme, c’était le troisième groupe semblable qu’elle retrouvait. Elle se redressa. sa stature imposante trancha un instant avec les troncs élancés des arbres. Large d’épaule, sa cape courte pendait dans son dos. L’ombre était masquée, la capuche rabaissée. Ses yeux étaient deux points noirs sertis sous des sourcils souvent froncés. Une épée, longue et fine, pendait à la ceinture de l’ombre.
Le feu brûlait dans l’âtre. L’auberge était emplie de senteurs de viande rôtie, d’effluves de bière et de conversations. La chaleur et la lumière régnaient dans la salle commune. Un coin d’ombre et de froid, éloigné des flammes, semblait désert. Les clients étaient aux tables, au comptoir ou près du feu. Dans la semi pénombre, deux yeux brillaient doucement. Une pinte était posée sur la table, pleine. Des doigts gantés de rouge glissaient sur les rebords de la choppe. Légèrement plissés, les yeux étudiaient une à une chacune des personnes présentes.
Le regard s’arrête sur un homme aux cheveux gris. Il discutait vivement avec un nain à la barbe soigneusement tressée. L’humain avait le bras robuste et la tenue d’un forgeron. Le regard continua son examen. L’homme portant un simple anneau au doigt. Hormis ce bijoux, ses doigts étaient nus. L’ombre s’intéressa ensuite à son visage. Il était parcheminé mais gardait des traces de son courage et de sa détermination passées. Ses épais sourcils surmontaient des yeux pâles. Gris, ou peut-être bleus.
Alors qu’elle détaillait le nain, la porte s’ouvrit en grinçant? Une silhouette imposante entra dans la taverne accompagnée d’un courant d’air froid qui arracha une volée de jurons aux plus avinés. Le nouveau venu balaya la salle du regard. Il s’arrêta sur les yeux brillants dans la pénombre. Il hocha la tête. Les deux gouttes d’or disparurent un instant. L’inconnu se dirigea droit vers l’ombre et tira une chaise.
La serveuse vint poser une pinte devant l’étranger qui la remercia d’un mouvement de tête. Un silence calme s’installa entre les deux ombres encapuchonnées. Chacun soutenait le regard de l’autre avec intensité. Le fantôme caressait toujours le haut de sa choppe du bout des doigts. L’étranger avait les bras croisés sur le dossier de sa chaise et la tête sur les poignets. Au bout d’un interminable moment, le silence fut rompu par une voix profonde et chaude, rappelant le crépitement d’un feu de cheminée.
-Cela fait quelques jours que je te cherche, Sigrid.
-On dirait que tu m’as retrouvée, répondit-elle de sa voix murmurante et douce.
-Tu as semé des traces.
Le fantôme eut un haussement d’épaules.
-Si peu… Mais dis moi, Odalrik, que me vaut se plaisir ?
-Ils veulent ta mort.
-Oh. Et tu es venu me protéger ? Elle se fend d’un demi-sourire sarcastique.
-Bien sûr que non, pour qui me prends-tu…
Les deux gouttes d’or brillèrent d’amusement tandis que leur propriétaire se relevait, partant vers sa chambre, talonnée par l’homme aux larges épaules.
Le manteau bleu nuit glissa à terre dans un doux froissement d’étoffes, révélant de hautes bottes blanches, et d’interminables jambes bien dessinées dans un pantalon de cuir de la même couleur que le manteau. La taille était ceinte par un long fouet blanc immaculé. La peau pâle du ventre soulignait admirablement une fine poitrine parfaitement moulée dans une demie-armure de cuir noir.Sigrid avait être dos à lui, Odalrik ne pouvait s’empêcher de sourire. Elle était belle, et elle le savait. C’était d’ailleus une des nombreuses raisons qui faisait qu’elle voyageait dissimulée sous son lourd manteau.
-Tu apprécie la vue ?
Elle n’avait pas besoin de se retourner pour savoir qu’il la détaillait. Elle se retourna vivement, faisant voler ses longs cheveux auburn autour de sa taille. Elle planta ses yeux dans ceux, noirs, d’Odalrik.
-Comme toujours..
-J’en suis ravie, répondit-elle dans un demi sourire. avant de reprendre. Quel est ton plan ?
* * *
K.’