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Archive for the ‘Misc’’ Category

Messagère

Elle se tenait là, vêtue d’une armure de cuir noire et de hautes bottes de voyage tout aussi sombres couvrant ses molets. Ses cheveux de miel, invisibles sous sa capuche d’ébène, étaient rangés sous son épais manteau de coton tombant sur ses flancs et ses jambes. Fendu dans le dos et sans manches, le vêtement laissait paraître ses épaulières, elles aussi en cuir, rattachées à sa cuirasse. Sa taille, fine et élégante, était parée d’un lien assorti à l’armure où pendait le fourreau de Diligence, son épée bâtarde. Elle portait aussi une autre ceinture, passé dans le manteau, qui retenait celui-ci. Ses yeux d’ambre pétillaient à l’ombre de sa capuche, invisibles pour un regard humain. De son doux visage, ses lèvres étaient seules visibles, étirées en un légendaire sourire en coin fatal à bien des hommes.
Elle attendait, là, calme et silencieuse, adossée près de la porte du Manoir.

K.

Note aux rôlistes : Malgré toute ressemblance, il ne s’agit pas là d’Eryenn, mais d’un personnage tout à fait fictif inspiré d’un autre de mes personnages tout à fait fictifs.

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Claquement nocturne

Agenouillée sur le toit, elle observe la rue en contrebas, la nuit la couvrant aussi bien que son écharpe masque son visage. Elle attend, pistolet-arbalète à la main, le carreau empoisonné prêt à frapper lorsque claquera la corde. Les bruits de pas et de conversation des derniers fêtards glissent sur elle sans la toucher. Elle est concentrée sur sa proie, qui braille à qui veut l’entendre ses hautes fonctions. S’il savait. S’il savait que depuis le début, il était manipulé. Qu’il n’allait même pas avoir droit à cette ultime récompense qu’il se vantait déjà de posséder auprès des dames. Quatre pas. Un gros bonhomme rougeau l’accompagne. Son garde du corps, sans doute. Elle se fend d’un sourire, sous la soie verte qui lui couvre les lèvres. Trois pas. Ils se mettent à chanter, l’alcool rendant les paroles incompréhensibles et l’air douloureux à l’oreille. Deux pas, ils s’arrêtent un instant, répondant aux gloussements d’une catin. Un pas. Elle se redresse légèrement, tendant le bras.
Le claquement sec résonne dans la nuit et la ruelle, le sifflement ne parvient aux oreilles qu’au moment du coup sourd de l’impact. Il lève les yeux, surpris de n’avoir été touché qu’a la jambe. L’assassin se redresse complètement et lui adresse une gracieuse révérence. Alors qu’il ouvre la bouche pour se moquer de sa piètre précision, il se met à trembler, soudain gelé et en sueur. Lorsqu’il comprend, il est trop tard. Son visage n’a que le temps de se fendre en une grimace d’effroi lorsque qu’il tombe à terre, ses yeux aveugles tournés vers une pleine lune qu’ils ne verront plus jamais.

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Protecteur

Il se tenait entre sa Protégée et leurs assaillants. Ses autres Frères dormaient déjà à ses pieds. Seul rempart entre la jeune femme et les chasseurs de sorcière, il plongea son regarde vide d’émotions de celui de l’adversaire le plus proche. Elle se trouvait derrière lui, à quelques pas seulement, affaiblie et effrayée. Le Protecteur se mit en garde, ses blessures protestant sourdement. Le premier adversaire chargea et tomba dans le même élan, le ventre ouvert et les tripes répandues sur le sol. Ses amis hésitèrent, puis l’un deux cria et fondit sur l’homme, talonné par les autres. Leur faible expérience du combat était une faiblesse compensée par leur nombre. Les soldats expérimentés jonchaient déjà le sol humide de sang. Le Protecteur tint bon et trois autres hommes s’étaient effondrés lorsqu’un cri déchirant retentit. Il sut. Sa colère se libéra comme un torrent, exacerbant sa fureur. Les quelques survivants n’eurent pas le temps de comprendre. Ni de fuir. Impitoyable avatar de haine, le Protecteur les massacrait comme des animaux. Lorsque les deux morceaux du dernier cadavre touchèrent terre, il laissa tomber son épée et s’effondra à genoux à coté du corps de sa Protégée. Ses frères étaient morts. Sa Protégée était morte. Il avait échoué.
Alors qu’il s’abandonnait au désespoir, la poitrine de la jeune femme se souleva doucement. L’entaille sur son bras et son ventre n’étaient pas aussi grave qu’il l’avait estimée. Elle vivait.
Elle vivait.
Il ramassa son épée, ôta le masque de ses Frères morts, souleva doucement la jeune femme dans ses bras, toute trace de fureur envolée. Il l’emmena dans les ténèbres de la nuit, à travers la ville, jusqu’au Collège. Il n’avait pas échoué. Ses frères n’étaient pas morts en vain.
Elle vivait.

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Un matin d’été.

Il faisait frais ce matin là, dans la cour. L’orage de la nuit avait fait voler en éclats le voile chaud et lourd de ces dernières semaines. Un vent léger caressait les feuilles du bois, derrière la grange sous laquelle le forgeron se mettrait bientôt au travail. Les vieilles pierres grises résonneraient alors du chant de l’enclume. Déjà les serfs étaient aux champs. Sis à la fenêtre à coussiège de sa chambre, le baron regardait le boulanger et son aide s’activer près du four. Ils porteraient, ensuite, pains et brioches, aux servantes qui prépareraient alors le petit déjeuner de la maisonnée. Quelques gardes relevaient leurs camarades. Les uns comme les autres avaient les yeux lourds de sommeil. La vie entrait tranquillement en scène sur la terre battue et l’herbe jaunie de la cour. Une couple de colombes étaient posées sur les ardoises du toi, tout à côté de la grande cheminée du bastel. Au-delà des portes s’étendait le village. S’allait être jour de fête, et les maisons se paraient de vives couleurs depuis la veille déjà. Fanions et rubans décoraient les fenêtres et les rues. Les stands se montaient sur la place et les marchands disposaient leurs étals. Cette année encore, l’auberge ne désemplirais pas. Tous venaient des quatre coins de la région, et tous repartiraient pauvres d’argent, mais riches de trésors. Qui d’alcool, qui d’étoffes. Qui d’acier ou de cuir. Qui de catins, qui ne chômeraient pas durant quelques jours. Le baron reporta son attention sur sa femme, qui s’éveillait doucement en se retournant. Il lui sourit. Oui, il allait être temps de rejoindre toute cette agitation. Il soupira pour lui-même. La journée sera longue…

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Danse au clair de lune.

Ils se tiennent tous les deux face à face. Lui, l’air grave, vêtu d’une lourde cape et d’une armure en cuir. Elle, rayonnante dans son armure de plates, mettant ses courbes et sa peau blanche et pure en valeur. Son regard, digne d’un ciel d’été, plongeant dans celui de son compagnon. Elle se fend d’un large sourire. Il hoche la tête. Deux bruits se mêlent. Celui de l’acier contre le cuir faisant écho au cri de la corde des arbalètes. Le chant des lames qui s’entrechoquent répondant au sifflement des traits dans la nuit, le crépitement de la magie jouant le morceau du destin sur leurs pas. Pour chaque adversaire qui tombe, deux rejoignent la clairière, accélérant la danse. Elle vole, ses cheveux d’or, trainée de miel, valsant dans la nuit, à la suite des ses acrobaties félines. Lui tournoie, ses lames chantant dans le sang des assaillants, véloces et sauvages. Et ainsi continua la danse, jusqu’au bout de la nuit, jusqu’à dernier vivant, lui, calme et concentré, elle, sensuelle et rieuse, jusqu’à la fin de l’éternité.

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Les portes de la Cathédrale s’ouvrirent en grand, et les gardes s’écartèrent avec déférence. Le bruit de ses pas résonnait sous la voûte soutenue par des colonnes de marbre blanc. Elle marchait d’un pas rapide et décidé vers l’autel, son manteau blanc volant derrière elle. Elle portait une épée à la ceinture et des braies en cuir rouge sang, le même rouge que celui de ses cheveux. Ses cuissardes blanches étaient fermées par un fin laçage, le même que celui de son corset. Un chapeau blanc avec une plume bordeaux venait rehausser l’ensemble. Le rubis sur le pommeau de sa lame refléta un des rais de lumière qui s’échappait du grand vitrail derrière l’autel. Elle vint se planter devant l’Archi-prêtre, ses yeux gris plongeant dans ceux du vieil homme.
-Épargnez moi les cérémoniaux. Vous me faites mander au beau milieu de la nuit par un acolyte terrorisé et tremblant de naïveté à la vue d’une femme en chemise de nuit.
-Moi aussi je suis heureux de vous voir, Inquisitrice…
-La peste. Parlez vite, et j’espère que c’est important.
-Je vois. ..

L’heure d’avant l’aube est toujours la plus sombre. Elle quitta la cité cléricale d’humeur massacrante, accompagnée par son chien, l’acolyte qui l’avait réveillée et deux templiers à demi assoupis.
– Cesse donc de me regarder en coin avant de rougir jusqu’aux oreilles. Je suis habillée maintenant. Et quand bien même, je n’ai rien de plus que ce que tu as du voir sur d’autres femmes.
-J-je suis d-désolé madame. J-je n’ai j-jamais… Et v-vous… Vous êtes… p-particulièrement.
-Oh, la barbe, dit-elle d’un ton cassant, avant de reprendre, plus doucement. J’ai toujours pensé que cette « innocence » n’était pas une bonne chose. Mais si ça amuse l’Église que ses pantins soient tous aussi rouges lorsqu’ils viennent frapper à ma porte en pleine nuit… Enfin, bref.
-P-pard..
Elle se retourna vivement et planta un ongle sous le menton de l’acolyte, le réduisant au silence.
-Encore une seule excuse du genre et je te donne une bonne raison de rougir, compris ?
Il hocha la tête en silence et ils reprirent leur chemin sans heurts, les deux templiers souriants sous leurs heaumes , l’acolyte aussi rouge que les cheveux de l’Inquisitrice dont les yeux brillaient d’une lueur amusée.

Ils arrivèrent au village en fin de matinée. Malgré le printemps, il faisait encore frais, et sombre, à la porte de ce petit hameau perdu entre les arbres. Les maisons couvertes de lierre, le léger mouvement des branches dans la brise. Les toits des bâtiments qui se fondaient dans les frondaisons, si bien que le bourg tout entier semblait faire corps avec la forêt. Et le silence… Le silence ? Un silence anormal. Même les oiseaux s’étaient tus. Son chien semblait nerveux. Elle tira sa lame, imitée par les templiers, tirant un cri de surprise à l’acolyte. Alors qu’ils passaient la porte, ils comprirent. Les rues étaient jonchées de cadavres récents, plus ou moins mutilés. Certains n’avaient plus de tête, d’autres simplement éventrés, et quelques bustes se trouvaient à quelques mètres de leurs jambes. Tous portaient la souffrance sur leurs visages figés. L’acolyte frissonna.

-Trouvez des survivants, ordonna-t’elle d’un ton neutre. Gamin, tu restes avec moi.

Il ne se fit pas prier, et les templiers se séparèrent. Le bourg était petit, il ne fallu pas longtemps pour en faire le tour. Elle s’agenouilla auprès d’un cadavre et ôta son chapeau, le glissant vers son cœur, les yeux clos. Le jeune acolyte jeta un œil par dessus son épaule. Il s’agissait d’un homme d’âge mûr, à la calvitie naissante, revêtu d’une armure en plaque d’or usée et de jambières en peau. Son marteau dormait à ses pieds et son visage était serein, contrairement aux autres, et son corps avait été relativement épargné.
– Un ami à vous ?
– On peut dire ça. Je l’ai connu il y a quelques années. Un sale con, mais un chic type.
Elle soupira avant de se relever, replaçant son chapeau.
– On dirait que l’Archi-prêtre avait une bonne raison de me réveiller finalement…
L’un des templiers les rejoignit, secouant la tête d’un air sombre. L’acolyte frissonna de nouveau. Il s’apprêtait à prendre la parole lorsqu’un cri déchirant s’éleva, tout proche. Le jeune initié sursauta alors que les deux autres se tournèrent vers le hurlement. Il s’agissait du second templier.
– Madame, ça me déplait de laisser un des miens, mais si l’Archi-prêtre avait effectivement raison, nous sommes en sous-nombre, et nus ne pourrions combattre l’esprit tranquille si nous devons protéger l’acolyte.
– Escortez le vers la sortie. Attendez à l’orée des arbres. Si je ne suis pas là dans dix minutes, ne m’attendez pas, et ne revenez pas me chercher. Compris ?
L’acolyte allait protester, mais le templier l’entraina à sa suite en lui jetant un regard sans appel. Il savait ce qu’on disait de l’inquisitrice, et toute protestation étaient inutile quoi qu’il en soit. Une fois seule avec son chien, elle plongea ses yeux dans ceux de l’animal avec un demi-sourire que celui-ci connaissait bien. Ses deux compagnons avaient à peine disparut que les ombres s’agitèrent. Une autre proie s’était isolée. Ils allaient encore manger. Elle attendait.
La première goule se jeta sur elle en jaillissant des ombres. Son sourire s’élargit alors qu’elle l’esquiva adroitement et la trancha net en bas du dos. Les jambes continuèrent à tourner un moment avant de tomber sur la tête. Elle rit alors que les autres goules s’avançaient, nullement impressionnées. La danse commençait.

Le templier commençait seulement à se dire que l’heure du départ était venu, lorsqu’un éclat de lumière attira son attention entre les deux tours qui marquaient l’entrée du bourg. Une silhouette en manteau blanc marchait, un chien à son coté, une lame couverte de sang dans la main, une torche brûlant d’un feu sacrée dans l’autre. Deux petites flammes ardaient sous le chapeau. L’acolyte se tut, abasourdi par la vision du village s’embrasant et de cette ombre blanche marchant vers eux en lançant distraitement la torche sur le toit de l’écurie, embrasant celle ci.

Le vieux guerrier sourit sous son heaume. Il n’avait jamais douté des contes, bien qu’extraordinaires que ceux qui l’avaient servie racontaient. Mais la voir à l’œuvre était autre chose. Elle croisa son regard, la lueur de plaisir dans ses yeux gris croisa celle, emprunte de respect et d’amusement, des yeux verts du vieux guerrier. Ils échangèrent un hochement de tête et reprirent la route.
Le templier vint se mettre à la hauteur de l’acolyte et posa une main sur son épaule.
-Maintenant tu peux rougir, gamin.

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Le soleil se levait à peine. Sous un saule, une silhouette vêtue d’un long manteau l’observait. La capuche sur la tête, l’ombre portait un semblant de masque. Seul ses yeux étaient visibles. Les lumières de l’aube donnaient sur les feuillages des arbres. Le silence régnait en maître. Parmi le chatoiement des couleurs, une seule tache jurait telle une insulte à cette vision fantasmatique.
La cape était ample, la forme imprécise. Une homme ? Une femme ? Un elfe ? Peut-être une démonelle. Rien ne permettait de le deviner. On ne voyait que les yeux. De grands yeux. Un regard captivant. Il était facile de s’y perdre. Ses iris dorées hantaient les rêves de tous ceux qui les avaient un jour croisés. Une mèche de cheveux aussi flamboyants que l’astre sur les arbres barraient l’un de ces deux joyaux. La peau autour de ces yeux étaient livide. D’un blanc diaphane.

-Quelle magnifique journée…

La voix murmurante avant déchiré le silence avec un accent sépulcral. Si douce qu’elle fut, elle était froide. Glaciale. Impitoyable et tranchante.

-Comme tu dis, étranger. Mais tu n’as pas payé le droit de regarder ce ciel.

L’homme et ses quatre compères sortirent des bois et se positionnèrent en arc de cercle derrière la silhouette. Elle leur répondit avec le même ton qu’elle venait d’employer.

-Combien ?
– Ah ! Enfin une personne raisonnable ! Six pièces d’acier pour chacun d’entre nous.
-Vous vies valent beaucoup moins.
-Pardon ?!
-A peine deux pièces de cuivre pour votre pitoyable troupe.

Avant même que l’homme ai pu répliquer, ou même ouvrir la bouche, un claquement plus violent que l’orage retentit. Une balafre nette barrait le visage du bandit, et déjà le sang s’en écoulait. La silhouette s’était retournée. La capuche était tombé. De longs cheveux auburn flottaient dans l’air frais du matin, les yeux dorés brillaient d’un halo jaune pâle troublant, intimidant.
Un fouet en cuir blanc était apparut dans une main gantée d’un rouge grenat éclatant.

-Je me suis trompée. C’est vrai, vos vies valent beaucoup moins encore…
-Tuez cette catin !
-…elles ne valent déjà plus rien.

* * *

Le soleil se couchait. La journée avait été chaude. Une ombre se tenait là où une autre avait été. Mais elle n’observait pas le crépuscule descendre. Elle contemplait avec un sombre sourire ce qui restait des brigands. Depuis qu’elle marchait dans les pas de l’autre fantôme, c’était le troisième groupe semblable qu’elle retrouvait. Elle se redressa. sa stature imposante trancha un instant avec les troncs élancés des arbres. Large d’épaule, sa cape courte pendait dans son dos. L’ombre était masquée, la capuche rabaissée. Ses yeux étaient deux points noirs sertis sous des sourcils souvent froncés. Une épée, longue et fine, pendait à la ceinture de l’ombre.

Le feu brûlait dans l’âtre. L’auberge était emplie de senteurs de viande rôtie, d’effluves de bière et de conversations. La chaleur et la lumière régnaient dans la salle commune. Un coin d’ombre et de froid, éloigné des flammes, semblait désert. Les clients étaient aux tables, au comptoir ou près du feu. Dans la semi pénombre, deux yeux brillaient doucement. Une pinte était posée sur la table, pleine. Des doigts gantés de rouge glissaient sur les rebords de la choppe. Légèrement plissés, les yeux étudiaient une à une chacune des personnes présentes.

Le regard s’arrête sur un homme aux cheveux gris. Il discutait vivement avec un nain à la barbe soigneusement tressée. L’humain avait le bras robuste et la tenue d’un forgeron. Le regard continua son examen. L’homme portant un simple anneau au doigt. Hormis ce bijoux, ses doigts étaient nus. L’ombre s’intéressa ensuite à son visage. Il était parcheminé mais gardait des traces de son courage et de sa détermination passées. Ses épais sourcils surmontaient des yeux pâles. Gris, ou peut-être bleus.
Alors qu’elle détaillait le nain, la porte s’ouvrit en grinçant? Une silhouette imposante entra dans la taverne accompagnée d’un courant d’air froid qui arracha une volée de jurons aux plus avinés. Le nouveau venu balaya la salle du regard. Il s’arrêta sur les yeux brillants dans la pénombre. Il hocha la tête. Les deux gouttes d’or disparurent un instant. L’inconnu se dirigea droit vers l’ombre et tira une chaise.
La serveuse vint poser une pinte devant l’étranger qui la remercia d’un mouvement de tête. Un silence calme s’installa entre les deux ombres encapuchonnées. Chacun soutenait le regard de l’autre avec intensité. Le fantôme caressait toujours le haut de sa choppe du bout des doigts. L’étranger avait les bras croisés sur le dossier de sa chaise et la tête sur les poignets. Au bout d’un interminable moment, le silence fut rompu par une voix profonde et chaude, rappelant le crépitement d’un feu de cheminée.

-Cela fait quelques jours que je te cherche, Sigrid.
-On dirait que tu m’as retrouvée, répondit-elle de sa voix murmurante et douce.
-Tu as semé des traces.
Le fantôme eut un haussement d’épaules.
-Si peu… Mais dis moi, Odalrik, que me vaut se plaisir ?
-Ils veulent ta mort.
-Oh. Et tu es venu me protéger ? Elle se fend d’un demi-sourire sarcastique.
-Bien sûr que non, pour qui me prends-tu…

Les deux gouttes d’or brillèrent d’amusement tandis que leur propriétaire se relevait, partant vers sa chambre, talonnée par l’homme aux larges épaules.

Le manteau bleu nuit glissa à terre dans un doux froissement d’étoffes, révélant de hautes bottes blanches, et d’interminables jambes bien dessinées dans un pantalon de cuir de la même couleur que le manteau. La taille était ceinte par un long fouet blanc immaculé. La peau pâle du ventre soulignait admirablement une fine poitrine parfaitement moulée dans une demie-armure de cuir noir.Sigrid avait être dos à lui, Odalrik ne pouvait s’empêcher de sourire. Elle était belle, et elle le savait. C’était d’ailleus une des nombreuses raisons qui faisait qu’elle voyageait dissimulée sous son lourd manteau.

-Tu apprécie la vue ?

Elle n’avait pas besoin de se retourner pour savoir qu’il la détaillait. Elle se retourna vivement, faisant voler ses longs cheveux auburn autour de sa taille. Elle planta ses yeux dans ceux, noirs, d’Odalrik.

-Comme toujours..
-J’en suis ravie, répondit-elle dans un demi sourire. avant de reprendre. Quel est ton plan ?

* * *

K.’

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Le bal.

Ici commence le bal
Dans cette morne salle
La robe noire et sa flûte
Entament la ballade et exultent.

La pluie se déverse
Mélange d’eau et de sang
En une morbide averse
Sur ce qui reste des champs.

Et dans la ronde tournent
Morts et mourants
Et dans la ronde tournent
Nobles et déments.

Ici ne cesse le bal
Dans cette belle salle
La robe noire et sa flûte
Continuent la complainte de cette lutte.

Les cadavres pourrissent
Au bonheur des charognards
En cette nuit du solstice
Morts pour la rieuse gloire.

Et dans la ronde tournent
Les morts et les mourants
Et dans la ronde tournent
Déjà aux bras du néant.

Là continue le bal
Dans cette immense salle
La robe noire et sa flûte
Rient de ces brutes

Quel honneur dans ceci
Car aucune cause n’était leur
Et beaucoup ont fuit
Voyant leur dernière heure.

Ils sont morts pour rien
Croyant se battre pour le bien
Mais ils n’auront pas de repos
Délaissés par leurs dieux
Abandonnés au feu
Des anges du chaos.

K.

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Elle danse.

« Elle danse.
Elle danse, seule, à demi nue, au milieu de cette horde de visages aux sourires lubriques, et d’yeux qui la déshabillent.
Elle danse.

Une lame dans chaque gantelet. Ils ignorent.
Elle danse.

Une main s’avance, et un léger déclic retentit.
Elle danse.

Des cris de surprise, des hoquets.
Elle danse.

Des rubans rouges autour de ses mains, suivant sa folle course.
Elle danse.

Ils essayent de fuir.
Elle danse.

Un par un ils tombent.
Elle danse.

Elle danse, sur leurs corps, figeant leurs rictus.
Elle danse.

Jusqu’au dernier,
Elle danse… »

K.

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« Un bruit sourd. Le bois contre la pierre. Un second. L’acier cette fois. Son bouclier à terre, sa lame brisée dans ses mains, son armure maculée de sang cabossée et enfoncée par endroit. A genoux. Brisée. Les lèvres tremblantes, le regard relevé avec défi vers celui qui l’avait anéantie.
Une armure d’argent souillée de sang, tranchant de l’or et du bois de la salle du trône. Un fin sourire sous la capuche. Un bandeau sur les yeux. Battue par un aveugle… Le déshonneur et l’humiliation… Mais tous étaient morts autour d’elle. Plus de sujets. Plus de peuple. Anéantie. Plus la force de lever la tête. Ses pensées et sa vie s’écoulant de ses veines. Il la toise et se rit d’elle, appuyé sur le manche de son lourd marteau posé à terre. Froide caresse d’une lame sur sa gorge. Vidée. Plus de rage, plus de volonté. Froide caresse d’une lame glissant sur la peau. Chaud et bouillonnant flot de sang. Il sourit. Elle s’endort et s’affaisse. Il se baisse et la dépose doucement à terre. Il la regarde un instant, passé du sourire à la mélancolie. Combien étaient tombée ainsi ?Un geste bref de la tête. Il s’en va par les grandes portes. Une ombre parmi les ombres de la salle. Une psalmodie légère. Le frottement du tissus contre la pierre. Une silhouette en robe qui referme les portes derrière elle. Des flammes qui consument tout ce qui reste de la salle. La pierre, le bois, l’étoffe, l’acier, la chair, les os, l’âme et le souvenir d’une déchue.

Même les souvenirs se consument. Il ne reste qu’une ruine noircie à flan de montagne, abandonnée au temps et à l’oubli. »

K.

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